Pourquoi l’intelligence économique et plus particulièrement l’intelligence territoriale vont-elles devenir des leviers incontournables du développement économique ?

Publié dans Actualités Site

Contrairement à l’image que nous renvoient quotidiennement les médias, la France dispose d’atouts indéniables pour rebondir sur le plan économique tout en préservant son identité et ses valeurs.

Dans cette perspective, l’intelligence économique et l’intelligence territoriale, démarches encore trop peu connues et trop peu pratiquées, constituent des leviers puissants pour changer de paradigme, préserver et développer l’emploi.

L’intelligence économique, légale et déontologique, est la capacité de comprendre son environnement afin que la bonne personne possède la bonne information qui, au bon moment, lui permettra de saisir une chance ou d’écarter une menace. L'Intelligence Économique regroupe donc l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de distribution et de protection de l'information obtenue légalement, utile aux acteurs économiques en vue de la mise en œuvre de leurs stratégies individuelles et collectives.

En France, la prise de conscience des modifications des règles du jeu géopolitique et géoéconomique mondial n’a pas été assez rapide pour assurer le succès immédiat de l’IE. Alors même que la description et l’analyse de ces changements constituaient le cœur du rapport Martre, publié en 1994, ce dernier n’a pas produit la révolution culturelle attendue. En effet, faute d’impulsion politique forte, hors quelques grands groupes industriels, l’IE s’est résumée à quelques expérimentations territoriales régionales. Aujourd’hui, afin de combler son retard en la matière, la France dispose d’une structure directement rattachée au Premier ministre : la délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) http://www.intelligence-economique.gouv.fr qui est chargée d’impulser et de coordonner l’action de l’État en matière d’IE.

Mais concrètement, en quoi la mise en place d’une démarche d’IE dans une entreprise ou au sein des collectivités territoriales est-elle bénéfique ?

****

Dans un contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée, l’IE est une nécessité vitale. Les entreprises, les États et les territoires ne peuvent l’ignorer et se doivent d’implanter cette fonction comme ils le firent pour le marketing, la qualité ou plus récemment de développement durable à condition toutefois de l’appréhender dans toutes ses dimensions.

L’IE c’est mobiliser de façon volontaire, coordonnée et simultanée toutes les ressources disponibles. C’est cette convergence qui permet le management fonctionnel de l’information.

Les six dimensions d’une démarche d’IE[1].

1.Intégrer et orienter une démarche d’IE :

« Nul vent n’étant favorable pour celui qui ne sait où il va [2]», replacer l’IE dans le schéma systémique de l’entreprise (Capacités-Actifs-Offre-Métier) puis sensibiliser le personnel à la démarche, affiner sa stratégie, auditer son dispositif, diagnostiquer ses besoins informationnels et orienter ses actions grâce au cycle du renseignement et à l’approche Target Centric, le tout en n’oubliant pas de se référer à une charte éthique (cf. charte éthique de la FéPIE[3] par exemple).

2.Surveiller son environnement pertinent :

Construire un plan de renseignement et de veille, connaître la typologie des sources d’information, apprendre à manager les sources humaines et à maîtriser les outils de recherche sur le web puis à automatiser (autant que faire se peut) sa veille…

3.Traiter et analyser l’information stratégique :

Comprendre le processus d’analyse pour transformer les données en informations stratégiques, savoir traiter rapidement ces informations en prenant en compte les biais cognitifs, qualifier les sources, utiliser les outils avancés pour analyser les stratégies des concurrents et les représenter graphiquement pour mieux échanger…

4.Manager l’information et la connaissance :

Savoir gérer l’information pour la capitaliser, la faire circuler et la transformer en connaissance, favoriser la constitution de communautés de pratique et le management en réseau, développer la co-prospective et mettre en place une war-room.

5.Protéger son patrimoine matériel et immatériel :

Savoir sécuriser ses informations, réaliser un auto-diagnostic de ses failles, connaître les pratiques d’ingénierie sociale, utiliser l’arme du brevet, protéger ses personnes clés et développer une gestion prévisionnelle des emplois et compétences.

6.Influencer son environnement :

Savoir communiquer en interne pour mobiliser les collaborateurs et rendre effective la vision stratégique de l’entreprise, ne pas négliger les relations presse, se préparer à la communication de crise, pratiquer le lobbying et développer son agilité stratégique grâce à la méthode des échiquiers invisibles et à l’usage de la matrice DIA (Direct-Indirect-Anticipation).

L’intelligence économique a donné naissance à une déclinaison particulière qui est l’intelligence économique territoriale[4]. Cette dernière, telle qu’elle fut conçue par le préfet Rémy Pautrat, permet d’organiser en un système faisant sens, en une stratégique cohérente au service de la croissance et de l’emploi, les actions variées d’aménagement du territoire, de politique industrielle et de développement économique en général qui sont menées à l’échelon central et local avec un déficit de coordination.

Composante majeure des stratégies régionales de développement économique, les schémas régionaux d’intelligence économique recouvrent, outre l’action des services de l’Etat, celle d’autres institutions et organismes : collectivités territoriales, réseau consulaire, pôles de compétitivité, organisations professionnelles, agences locales de développement… Ces collectivités et organismes initient et développent, seuls ou en partenariat avec d’autres acteurs publics, parapublics et/ou privés, des programmes dédiés à l’intelligence économique ou intégrant certaines de ses thématiques (veille, sécurité informatique, management de l’information et des connaissances…).

Par conséquent, on peut définir l’intelligence territoriale comme la valorisation, la coordination et la protection des atouts économiques et savoir-faire industriels et technologiques des territoires et de leur tissu de PME-PMI, afin de les transformer en avantages comparés décisifs dans la compétition commerciale européenne et mondiale.

De quoi est constituée concrètement l’intelligence territoriale ? Elle se compose en fait de quatre types d’actions s’agrégeant en un dispositif unifié et coordonné.

  • La première est l’intelligence économique territoriale pôles de compétitivité qui sont l’exemple emblématique de ces schémas de développement stratégiques des régions. Ils reposent sur le repérage des spécialités locales, des savoir-faire et des filières d’excellence locale et leur mise en valeur via des réseaux organisés de travail et d’échanges d’informations. Il s’agit en somme de créer une dynamique régionale de coopération, en favorisant le regroupement des services de l’État et des collectivités territoriales, des entreprises (notamment les PME-PMI), des universités et des centres de recherche autour de projets stratégiques communs.
  • La deuxième consiste en la définition et la préservation d’un périmètre économique stratégique, c’est-à-dire d’un ensemble d’entreprises œuvrant dans le domaine des technologies sensibles et qu’il convient de protéger pour des raisons d’intérêt national ou européen et de conquête de positions privilégiées sur les marchés hautement rentables des hautes technologies duales (IE concernant les domaines militaire et civil).
  • La troisième est la constitution de réseaux d’experts et de décideurs, inter-entreprises et inter-administrations, mais aussi entre l’État, les entreprises, les universités et les différents acteurs du développement économique et social local.
  • La quatrième est la sensibilisation et la formation à l’intelligence économique, car cette dernière est indispensable à la construction de la compétitivité durable des entreprises françaises.

Pourtant, si le concept d’intelligence territoriale se révèle nécessaire, la multiplicité des agents publics et privés et leurs rivalités, parfois d’ordre politique, complique l’élaboration des stratégies d’action. Il est donc primordial, pour parer ces divergences d’approche, d’avoir une gouvernance cohérente, solide et homogène qui fédèrera toutes ces forces.

****

La scène internationale et la vie des nations doivent aujourd’hui s’interpréter à l’aide d’une nouvelle grille de lecture. Nous sommes entrés dans l’économie de la connaissance, corollaire de la mondialisation des échanges et des idées. L’un des éléments essentiels du capital stratégique qui déterminent aujourd’hui la prospérité des sociétés, la compétitivité des entreprises, l’attractivité des territoires et donc l’évolution de l’emploi, est l’information. Savoir la chercher, la traiter et la diffuser (tout en protégeant la part de données sensibles qui doivent être protégées) constitue l’une des tâches prioritaires de tous les acteurs économiques et la définition même de l’intelligence économique. Conscient de ces enjeux, l’État a fait de l’intelligence économique une politique publique en créant la délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) pour mettre en dynamique les acteurs institutionnels, les collectivités territoriales et les entreprises.


[1] La boite à outils de l’intelligence Economique – Christophe Deschamps et Nicolas Moinet – Dunod éd. 2011.

[2] Sénèque.

[3] Fédération des professionnels de l’Intelligence Economique.

[4] La notion de territoire fait appel à plusieurs dimensions spatiale, historique, administrative, politique, économique, etc. qui s’enchevêtrent de façon complexe.